Cet ouvrage est la
conclusion d'un projet entrepris par Anna Colin en 2012 à travers un
cycle de trois expositions et d'événements à La Maison Populaire à
Montreuil intitulé "Plus ou moins sorcières". Son travail
de recherche, situé aux croisements de l'histoire, de la sociologie,
de l'art et de la culture populaire, s'est attaché à la chasse aux
sorcières, ses raisons, ses enjeux, ses formes contemporaines et aux
femmes qualifiées ou autoproclamées comme telles. Sorcières est un
recueil de textes et d'entretiens d'écrivain.e.s, de
chercheurs.euses, de militant.e.s et d'artistes. Difficile de parler
de ce livre sans trop vouloir s’épancher sur tout son contenu.
Après une introduction/ contextualisation de Anna Colin s'ensuit
un entretien avec Silvia Federici, auteure notamment de Caliban and
the Witch: Women, the Body and Primitive Accumulation. La professeure/activiste
corrèle chasse aux sorcières et capitalisme en expliquant comment,
actuellement et dans certaines contrées, de grands acteurs de l'économie créent des situations de conflits par le biais
d'accusations de sorcellerie pour mieux tirer profit de ressources
naturelles ou d'échanges commerciaux. L'émeutier et la sorcière
d'Olivier Marboeuf prend pour point de départ les événements de
2005 à Clichy-sous-Bois, la mort de deux jeunes puis les émeutes
qui en suivirent pour rapprocher ces deux figures. Sous son regard, toutes deux sont le
symbole d'une pratique illicite, d'une communauté nocturne qui se
révèle brièvement avant son retour à l'anonymat diurne. Parler "d'émeute
de banlieue", c'est élaborer une séparation, de ces "jeunes-là",
qui permet d'appliquer, comme pour la sorcière en son temps, des lois
d'exceptions. Dans un autre texte, Marina Warner, fait le tour des
figures de la femme monstrueuse dans la mythologie et la culture
contemporaine, des monstres femelles et des mères cruelles liée à une diabolisation de la féministe. Angus Cameron, quant à lui,
s'attache au rôle du fou et de la sorcière au Moyen-Age, le premier
étant la représentation d'une menace mais dont le rôle
véritablement permettait de consolider la répartition du pouvoir en
renversant les codes durant un instant donné, délimité et encadré.
On change ensuite de domaine avec Latifa Laâbissi qui revient sur
son interprétation de La Danse de la sorcière, dont la version
originelle de Mary Wigman fut présentée en 1914 puis complétée en
1926. Par la suite, j'avoue me perdre quelque peu dans les trois
textes clôturant l'ouvrage. Les questions autour du queer présentent
un certain intérêt mais les enjeux spirituels, que ce soit autour du
culte de la déesse-mère pour LW et Redfern Barrett, les Fées de
Richard John Jones ou le chamanisme chez AA Bronson ne prête qu'à sourire. Reste que la mise en page superbe de ce
livre édité en version bilingue français/ anglais ainsi que les
horizons disparates des différent.e.s collaborateurs.trices et des
domaines conviés dans cet ouvrage en font un objet singulier et
passionnant.
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