mardi 29 avril 2014

Alligator - Runners



Le duo lyonnais a enfin donné suite à sa démo cassette avec un premier LP. Tout n'est pas nouveauté puisque l'on retrouve en face A l'intégralité de ladite cassette. L'inédit, quant à lui, se cantonne à la face B. Si je considérais le premier effort d'Alligator comme un peu inégal, avec des titres qui pouvaient vite devenir un peu irritants (Cycles et Bloody Mouth), autant avouer tout de suite que ces cinq chansons ont toutes atteint un certain degré de délice. Elisabeth et Lisa ont transformé leur petit groupe de détente en atelier bien rodé. Les chansons sont simples mais élaborées, on pourrait imaginer qu'Alligator se pose des directives: "faire le maximum du possible, de l'envisageable, avec le minimum, nos deux instruments et nos deux voix". C'est sec, c'est squelettique, mais Alligator réussit ce tour de force d'écrire de véritables chansons pop, gracieuses et magiques qui restent gravées à partir de quelques notes de basse et une batterie décharnée. J'ai dit "simples". J'ai dit "décharnée". Disons que ce sont les moyens engagés qui le sont. Car les parties de basse et de batterie n'ont rien de convenues et on sent bien que les deux maîtrisent désormais leurs instruments et s'épanouissent dans le style que s'est forgé Alligator. Mais ce qui fait, encore ici, fonctionner cette magie par-dessus tout, c'est le chant. A l'évidence, les deux lyonnaises prêtent une attention particulière aux mélodies et à la manière dont les deux chants vont se croiser et se compléter. C'est toujours beau, et c'est souvent très prenant. Incroyablement organique et sincère, il faudra désormais beaucoup d’hypocrisie pour oser dire du mal de la musique d'Alligator.

vendredi 11 avril 2014

Gouvernail - Black Howl



Le flou règne autour de Gouvernail. Ce qu'il semble être: un projet individuel lyonnais. Pour le reste, on ne pourra s'accrocher qu'à la stricte matière sonore. Des loops de guitare et une batterie électro pour seule substance, un post-rock richement construit, tirant clairement ses racines d'un post-hardcore plus hostile mais que l'on aurait surpris un instant en pleine songerie. C'est un travail toujours un peu compliqué de s'épancher sur une musique du genre sans tourner en rond. Comment ne pas se vautrer encore et toujours sur des termes tels que "paysage" ou "onirique"? Disons que l'on connaît Gouvernail. On a déjà entendu cela quelque part. Du moins, les termes qu'il emploie font partie de notre vocabulaire depuis longtemps. Mais dans Black Howl, il y a tout de même une certaine manière de les agencer, ces termes, d'où une entité propre. Pas la peine d'aller chercher des références, ce serait à la fois juste de le faire. Et extrêmement faux. Ce premier recueil de cinq titres instrumentaux,cohérent de bout à bout, sait emprunter dans d'autres sphères, comme ces beats de Canadian Shores ou sur A New Start. Moins mélancolique. Plus "catchy". Tout cela se joue sur de fines nuances, mais tout cela fait la différence et Gouvernail opère merveilleusement bien dans ce qu'il fait. Aura-t-on la chance de le découvrir en live? A l'écoute de Black Howl, je me remémore un ancien groupe de Lyon qui partage quelque peu le même lexique. Y aurait-il un ancien membre de Солярис [Solaris] aux commandes de Gouvernail?

Nine Eleven - 24 Years




City of Quartz m'avait interpellé à sa sortie. Choisir pour titre d'album le nom de l'ouvrage de Mike Davies -sur la ségrégation spatiale et le tout-sécuritaire de la ville contemporaine à travers l'exemple de Los Angeles-, cela ne pouvait sembler que prometteur. A l'écoute pourtant, rien à en tirer pour ma part: un punk-hardcore froid et surproduit, empilant tout les codes du genre. Une machine de guerre lisse et propre semblable à toutes les autres machines de guerre de la nouvelle scène hardcore. Une abrupte dichotomie entre un discours fortement revendicatif et une modalité de fonctionnement à la conquête de la sphère spectaculturelle -grosse production, facebook et tout l'arsenal habituel- aux antipodes de leur idéologie portée en blason. En définitive, une bonne déception, immédiate. Et puis récemment, un concert me donne l'occasion de redécouvrir le groupe. Entre temps, les manceaux ont changé de chanteur et de bassiste (et de batteur?) et ont redéfinit leur spectre musical. Nine Eleven se veut plus dark et rôde d'avantage vers le post-hardcore avec des prises de vitesse à la Cursed. Et en live, une attitude totalement honnête et passionnée et un set impeccable. Nine Eleven n'en finit pas pour autant avec son goût pour les codes et les banalités, des plans un peu grossiers (la première partie de Face the Triangle par exemple, assez pompeuse, pourtant sauvée par la suite plus posée mais magnifiquement tendue). 24 Years possède en revanche de nombreux moments de pur bonheur et la production est beaucoup moins connotée et plus vivante que précédemment. Le nouveau chant est pour beaucoup dans le renouveau salutaire de Nine Eleven, moins sec, plus habité et chargé émotionnellement. Et en prime un bel objet, même si là encore pas d'étonnements sur un artwork composé de peintures de "maîtres" pour la version vinyle: un Caravage et la fameuse vanité de Philippe de Champaigne. En espérant que ce nouveau line-up se stabilise un peu et poursuive ce qu'il vient d'entamer.