lundi 30 septembre 2013

Collectif pour l'intervention - Communisme: un manifeste




Il n'y a pas de système capitaliste, il n'y a que des décisions qui servent à maintenir les lois de l'économie : l'économie est une politique en soi et elle mène le monde à sa perte. C'est à peu près par ces mots que l'on peut résumer le constat établi en introduction de Communisme: un manifeste. A l'origine de cet ouvrage, un groupe de militant.e.s issu.e.s de diverses luttes souhaitant mettre en perspective leurs différentes revendications: qui combat-on au juste? et en quel modèle de vie croyons-nous? Hardt et Negri ont élaboré le concept de «multitude»; le Collectif pour l'intervention, quant à lui, recentre sa philosophie autour de la division en classes (possédants/dépossédés) pour pragmatiser, du moins pour clarifier les enjeux actuels sans trop se perdre dans les entrailles d'une théorisation trop complexe, car ce que souhaitent en premier lieu les auteures, c'est réinsuffler du révolutionnaire dans la critique sociale. On pourra penser à L'insurrection qui vient, néanmoins ce manifeste s'est penché d'avantage sur un éventuel futur et ce que pourrait être l'horizon post-capitaliste. A défaut de nous y mener, Communisme : un manifeste est déjà une piqûre de rappel et un état des lieux clair et motivant.

vendredi 2 août 2013

Reveille - Broken Machines



Cet album, je ne l'espérais plus. Time and Death m'avait accompagné un bon moment. Indie rock noisy aux chansons impeccables. Depuis, j'ai eu le temps de profiter encore et encore de François avec Clara Clara et de Lisa avec Alligator. Reveille, je les avais presque oublié. Leur premier album avait attiré la poussière et les acariens dans un coin de ma tête. Et puis, pour dire vrai, je suis complètement passé à côté de ce split avec Chris Cohen l'année dernière, dont on retrouve d'ailleurs aujourd'hui le titre Circle Scenario. Silence radio depuis trois ans donc, et soudain la surprise au détour d'une page internet: Reveille existe toujours et vient de sortir une nouvelle sucrerie. Certes l'emballage est un peu pompeux: cette manie de sortir des clips (cela est sûrement indispensables pour les lecteurs.trices de Magic) mais on ne recrache pas un bonbon tant qu'on ne l'a pas mis à la bouche. Alors, ce Broken Machines? Une traduction terminologique restera sensiblement la même: indie rock, noisy-pop, lo-fi et nineties, mais Reveille a fait son bout de chemin et il est plutôt plaisant de noter que le groupe tente de nouvelles choses, cela est particulièrement visible sur un titre comme Horizon. Petite note informelle: le Reveille de Broken Machines doit, je crois, pas mal à Ned. Le meilleur de cet opus réside dans des choses simples, la beauté naît toujours de la fragilité, d'une petite chose timide qui apparaît soudain. Revenge est irréprochable, sa vaguelette bruitiste, une rythmique appliquée, des accords de basse raffinés et voguant à la surface cette ligne de chant et ces notes de guitare austères: de la non-chalance, la nargue de nous rendre accros si aissément. Dans le même genre, We Came Alive et Long Distant Runner sont également opérantes. Petit point noir: Broken Machines ne tient pas la longeur, et le dernier tiers de l'album est moins emballant, on prendra sûrement la mauvaise habitude de s'arrêter en cours de route pour revenir au point de départ.

vendredi 5 juillet 2013

Sorcières pourchassées, assumées, puissantes, queer


Cet ouvrage est la conclusion d'un projet entrepris par Anna Colin en 2012 à travers un cycle de trois expositions et d'événements à La Maison Populaire à Montreuil intitulé "Plus ou moins sorcières". Son travail de recherche, situé aux croisements de l'histoire, de la sociologie, de l'art et de la culture populaire, s'est attaché à la chasse aux sorcières, ses raisons, ses enjeux, ses formes contemporaines et aux femmes qualifiées ou autoproclamées comme telles. Sorcières est un recueil de textes et d'entretiens d'écrivain.e.s, de chercheurs.euses, de militant.e.s et d'artistes. Difficile de parler de ce livre sans trop vouloir s’épancher sur tout son contenu. Après une introduction/ contextualisation de Anna Colin s'ensuit un entretien avec Silvia Federici, auteure notamment de Caliban and the Witch: Women, the Body and Primitive Accumulation. La professeure/activiste corrèle chasse aux sorcières et capitalisme en expliquant comment, actuellement et dans certaines contrées, de grands acteurs de l'économie créent des situations de conflits par le biais d'accusations de sorcellerie pour mieux tirer profit de ressources naturelles ou d'échanges commerciaux. L'émeutier et la sorcière d'Olivier Marboeuf prend pour point de départ les événements de 2005 à Clichy-sous-Bois, la mort de deux jeunes puis les émeutes qui en suivirent pour rapprocher ces deux figures. Sous son regard, toutes deux sont le symbole d'une pratique illicite, d'une communauté nocturne qui se révèle brièvement avant son retour à l'anonymat diurne. Parler "d'émeute de banlieue", c'est élaborer une séparation, de ces "jeunes-là", qui permet d'appliquer, comme pour la sorcière en son temps, des lois d'exceptions. Dans un autre texte, Marina Warner, fait le tour des figures de la femme monstrueuse dans la mythologie et la culture contemporaine, des monstres femelles et des mères cruelles liée à une diabolisation de la féministe. Angus Cameron, quant à lui, s'attache au rôle du fou et de la sorcière au Moyen-Age, le premier étant la représentation d'une menace mais dont le rôle véritablement permettait de consolider la répartition du pouvoir en renversant les codes durant un instant donné, délimité et encadré. On change ensuite de domaine avec Latifa Laâbissi qui revient sur son interprétation de La Danse de la sorcière, dont la version originelle de Mary Wigman fut présentée en 1914 puis complétée en 1926. Par la suite, j'avoue me perdre quelque peu dans les trois textes clôturant l'ouvrage. Les questions autour du queer présentent un certain intérêt mais les enjeux spirituels, que ce soit autour du culte de la déesse-mère pour LW et Redfern Barrett, les Fées de Richard John Jones ou le chamanisme chez AA Bronson ne prête qu'à sourire. Reste que la mise en page superbe de ce livre édité en version bilingue français/ anglais ainsi que les horizons disparates des différent.e.s collaborateurs.trices et des domaines conviés dans cet ouvrage en font un objet singulier et passionnant.

mercredi 1 mai 2013

Deborah Kant - Terminal Rail/Route



Je me souviens avoir découvert Deborah Kant live. Le seul détail que je puisse encore clairement évoquer, c'est ce guitariste agenouillé sur le devant de la scène en train de métamorphoser son instrument en xylophone à l'aide d'un tournevis. Il y avait également cette nonchalance, dans la dégaine et dans le style qui sentait fort les années 90 et les groupes phares de l'époque, Sonic Youth en tête. Une addition d'anecdotes, c'est ce qui ressort aujourd'hui, mais le constat était grandement réjouissant. Première chose positive à l'écoute de ce second album, Deborah Kant est beaucoup plus doué pour composer de la musique qu'une pochette de disque. Des groupes au parfum nineties noise, il y en a pléthore, mais il est moins fréquent de trouver, dans cette masse guidée par la nostalgie ou l'esthétique du suranné, des formations qui montrent un certain talent à proposer des chansons marquantes, aux mélodies qui restent en tête, et Deborah Kant fait partie de cette catégorie. Acid Rainbows et Acid Dermal/Carded Mail en sont le parfait exemple et me rappelle à l'instant mon goût prononcé pour des groupes comme Dead Meadow, Comets On Fire ou encore All The Saints, ce qui n'a finalement pas grand chose à voir avec les nineties me direz-vous. Bref. Alors Deborah Kant c'est peut-être un peu ça, du noise rock aux relents psychés, aux structures extensives, mené par des riffs de guitare protéiformes, parfois bruitistes ou rageurs mais capables de se faire plus doux (la ritournelle de Acid Dermal/Carded Mail encore une fois).

lundi 1 avril 2013

Kiruna - Kalayaan


Cet album, je l'ai déjà chroniqué dans ces pages. C'était il y a un petit moment maintenant, lorsque le groupe l'avait mis à disposition sur le net et que l'on regrettait avec eux que Kalayaan ne puisse prendre forme, s'incarner dans un bel objet qui aurait joliment clôturer le parcours du groupe, puisque Kiruna prenait fin par la même occasion. Taenia Solium, qui se spécialise dans la sortie des disques oubliés avec sa collection Cysticercosis, vient de lui redonner vie. Alors ce n'est pas un format vinyle comme je l'espérais à l'époque, mais il faut bien avouer que la modestie du cd-r avec pochette en carton sérigraphiée a toujours autant de charme, d'autant plus que cet objet-là est particulièrement bien réussi. L'artwork, réalisé par un des membres du groupe a quelque peu évolué (pour les besoins de la réalisation en sérigraphie j'imagine), a vu les choses en moins grand: des aplats de couleurs et des traits fins dans un style comics magnifiquement bien réalisé. Voilà, c'est chose faite, merci!

dimanche 17 février 2013

Taulard - s/t


OK. Je commence à comprendre ce qu'il y a de si bien dans Taulard. Inévitablement, cette écriture particulière. Sous un déguisement naïf, des phrases en accumulation, interminables, une logorrhée tendue et doucement rageuse. Les paroles témoignent d'anecdotes et d'instants spéciaux ou plus anodins, et si Fuir ne me faisait pas mentir, puisque influencée d'un roman, je louerais cette obstination à traiter de la sphère personnelle. Il y a quelque chose de l'archive chez Taulard, archiver les expériences, les agencer ensemble et en faire sortir un propos, où l'intime entame un déplacement vers des enjeux suprapersonnels. Les rencontres, voyages ou un drame ayant touché un proche (Sous le même toit) sont des prétextes. La diction, elle, semble incontrôlable: elle se positionne un instant puis tente autre chose, spasmodique, hachée puis infatiguable. La double voix sur certaines lignes de chant appuyée avec force par les mélodies de la basse et du synthé, crée ces instants d'une magie opérante, le pont de Frankreich Katastrophe par exemple, magnifique. Ailleurs, ce sont les nappes de voix qui se marient merveilleusement bien avec celles du synthé (Fuir notamment). Le son est clair, les instruments distincts; on sent qu'il n'est pas encore exactement comme il devrait être, la basse notamment est un peu trop sourde, mais ce n'est qu'un détail. Sous le même toit et Londres ont un peu pâle allure face aux énormes Frankreich Katastrophe et Fuir, mais rien n'est à reprocher à ce ep 4 titres, marquant de de plus en plus efficacement la particularisme de Taulard.

jeudi 14 février 2013

V/A - Du son pour la ZAD



Du côté des Cévennes, plus précisément chez les Marilyn Rambo, on a pris l'initiative de sortir une compilation de soutien pour la ZAD regroupant des groupes issus de plusieurs horizons (scènes DIY, punk et "alternatives") et des quatre coins de l'hexagone. Les compilations, ce n'est pas trop mon truc, mais quand on fait l'effort de concocter un joli petit CD sérigraphié et de surcroit pour une bonne cause, je me dis que je vais me forcer un peu. Pour ce qui est du contenu, Du son pour la ZAD réussit tout de même à rassembler pas mal de groupes différents sans souffrir d'un effet d'incohérence et de dispersion totale. Bon, en effet on retrouve pas mal de choses que l'on connait déjà, notamment chez les grosses pointures (Marvin, Papaye, Le Singe Blanc) mais également (du moins pour ma part) quelques découvertes (Vitas Gérolaitais, Paul Démon, Besoin Dead). Pour ce qui est du meilleur, je vous fait part de mon Top 7: Les Louise Mitchels et leur ligne de basse vengeresse, Télé Détente et son grand n'importe quoi cheaperesque, Marilyn Rambo et Papaye même si on les a déjà assez entendu, Direction Survet et son synthé de Télétubbies, Grand Prédateur qui fait toujours aussi peur et Llamama La Muerte complétement obnubilant. Et pour les chanceux.ses, vous découvrirez une surprise en piste cachée servie par Flo Mekouyanski! Hahaha....yeah...Grenoble Represent.

Walden - Fire walk with me



Walden n'est pas réellement une nouvelle entité puisqu'elle est le prolongement de Han Som Soker, projet solo d'un ancien membre du groupe Inys (puis entre temps du groupe Nord). Cette fois, pas de pochette en carton entièrement fait main, en remplacement un boitier plastique mais avec un joli insert à l'intérieur. Toujours dans la même veine que Han Som Soker, Walden a cependant éclaircit son spectre musical. Les nappes de synthé et les sonorités black-metal que l'on pouvait palper auparavant ci et là sont mis à l'écart. Hormis Dead Man, cousu par une guitare électrique vaporeuse en élévation sur un parterre drone pluvial et venteux, Walden est recentré sur une guitare acoustique qui sert réellement de base aux morceaux. D'ailleurs pour la filiation, on ne saura être dupe, avec le nombre de clins d'oeil et ce jusque dans les titres de chanson: Thoreau pour l'état d'esprit, Twin Peaks pour la forêt embrumée, Woven Hand et Neil Young pour l'inspiration musicale. Plus épurés que pour Han Som Soker, les arrangements étoffent paradoxalement plus efficacement les squelettes guitare sèche/chant/batterie electro. L'harmonica et les déambulations électriques de guitares psychédéliques donnent forme à un dark folk épais et riche. On notera encore quelques imperfections au niveau de certains calages avec la batterie mais également en ce qui concerne le traitement de la voix, un peu trop détachée des instruments. En revanche, le traitement sonore est plus aboutit que sur les albums de Han Som Soker, terriblement plaisant, surtout lorsque l'on vient à savourer ces enchevêtrements d'arpèges et ces accords emprunts d'une intensité apaisante.

mardi 29 janvier 2013

A bas les restaurants / Guerre de classe



Jusqu'à présent uniquement disponibles dans leur version originale, consultables sur le site américain PROLE.INFO, Abolish Restaurants et Work – Community – Politics – War viennent de faire l'objet d'une traduction en français et d'une publication sur papier mat assez luxueuse et donc plutôt étrange (quoique très agréable) pour un ouvrage tout de même plus proche d'une brochure (et les choix politiques qui vont avec) qu'un véritable livre. Ces deux "pamphlets-comics", puisque c'est comme cela qu'il faut les dénommer, font la part belle à une esthétique léchée, bichrome noir et blanc, entre un mode d'emploi pour survivre à un crash aérien et les BDs de Adrian Tomine (par exemple). Guerre de classe traîte de la condition des "proles" (la classe ouvrière d'aujourd'hui) en quatre chapitres (travail, communauté, politique, guerre) en reprenant les thèses marxistes dans leurs grands lignes. Un style clair, parsemé de références visuelles et de citations, Guerre de classe est un tutoriel pour la révolution, avec tout ce que cela sous-entend de romantique. A bas la restauration est une critique de l'industrie de la restauration par l'un de ses travailleurs. Le prisme sous lequel se construit cet ouvrage est là encore la critique marxiste, appliquée ici à la sphère de la restauration. La première partie se charge de mettre à plat le fonctionnement d'un restaurant. On nous rappelle comment la division du travail permet de diviser les travailleureuses et on y apprends par ailleurs que les premiers "restaurants" sont apparus à Paris vers 1760 et qu'on y vendait de petits ragoûts pour soigner des personnes malades et que c'est après la révolution française que la gastronomie se démocratisa peu à peu et que le nombre de restaurants augmenta rapidement. Dans la seconde partie nommée "comment démonter un restaurant" sont imaginées les voies qui pourraient nous mener à monde sans restaurants, c'est à dire "un monde où notre activité productive satisfera des besoins (...) où nous produirons directement les uns pour les autres, et non pour vendre les uns aux autres". Dans A bas les restaurants, la traduction est à très de rares occasions approximative dans la retranscription du ton et le propos est un peu plus confus, mais sa forme réhausse indéniablement l'intérêt de ce pamphlet. A bas les restaurants et Guerre de classe sont également disponibles et téléchargeables sur INFOKIOSQUES.NET et REPOSITO.INTERNETDOWN.ORG.