samedi 29 novembre 2014

Pervers et truands



Et cela survient finalement. Tout s'écroule. On croyait à un moment de liesse. Comme un tour de manège. Un tour de manège où c'est toi qui choisis quand tu veux descendre. Mais la catastrophe a tout détruit. Rien n'a survécut. Du manège, il ne reste qu'un amas de détritus renfrognés. Et c'est une bande de freaks chimiquement modifiés qui repeuple ce qui était autrefois des paysages. Esthétique des ruines. Soit. Celle-là est particulièrement réussie. Il paraît que ça sort des ateliers de Ursa Minor à Saint-Etienne. Ça tombe vraiment bien puisque c'est de là que nous vient justement Pervers et truands. Un premier album après une triplette de demos sur CD-r. Pervers & Truands sont des gens ordinaires: c'est écrit sur ce vinyle et relevé déjà par une autre personne qui s'essaie également à ce genre d'exercice: aligner des mots, voir des phrases, pour parler d'un groupe de musique, d'un groupe D.I.Y., que l'on a vu à un concert, et pour dire un peu plus que parler simplement musique. De là à réussir (?) Pervers & Truands sont des gens ordinaires et c'est plutôt rassurant. Pervers et truands, c'est du sludge fait par des gens qui ne savent jouer que du punk. Ils ont bien essayé de nous le cacher mais certains éléments ne trompent pas. Un peu trop d'urgence ou de hargne. Il y a deux élément notables chez P&T. Ouais! Rien que ça! Les passages lourds. Et les passages rapides. Va pas falloir trop chercher à intellectualiser tout ça. Des mouvements de têtes lents et déterminés. Et des mouvements de têtes rapides et satisfaits. Et c'est tout ce qu'on leur demande. Suffit de choisir la bonne manière de faire ça.10 titres du même acabit. Un petit bémol sur Spooky Song, l'interlude calme et déprimé qui sent juste la fatigue. Bon disque.

vendredi 4 juillet 2014

Taulard - Les abords du lycée



Taulard a toujours dansé sur la corde raide. Un point d'absolu dans son genre, en proie à des vents querelleurs. Jusqu'à présent, Taulard s'était agrippé de toutes ses forces, avait résisté coûte que coûte. Paradoxalement, les atouts du groupe ont toujours été ces petites choses fragiles: un chant en français avec des textes doucement naïfs et un synthé cheap et vierge de tout effet. Jusqu'à présent, Taulard avait résisté, mais s'est fait prendre dans un moment d'inattention et a glissé. Rien de bien grave, ni jambe cassée, ni entorse aggravée. Seulement, ce premier album a un autre goût que les précédents efforts des grenoblois. Le son un peu incertain de la première cassette et du 7", tout cela faisait le charme du groupe, qui a décidé de donner à son premier album un son digne de ses ambitions. Résultat: Les abords du lycée est propre comme une paillasse de TP de physique-chimie. Une propreté médicale, qui a tout blanchit, qui a gratté la moindre aspérité. Ce n'est pas pour faire l'éloge frontale d'une certaine pauvreté ou saleté, mais une autre intention musicale a ici pointé son nez. La majorité des présents morceaux existaient déjà sur le cd -celui enregistré par Josselin lorsque Taulard n'était pas encore un véritable groupe- ou sur la demo-tape, et ce sont ces anciennes versions vers lesquelles je me tournerais encore à l'envie de les écouter. Dans la roche est la plus grosse déception de cet album. Clairement, cette chanson est un "hit": une mélodie trop classe et un thème abordé (les abus sexuels) avec une justesse et une franchise rare, mais -merde- que vient foutre cette basse funky, -comment dire- cocasse, ici? Voilà, quelque chose cloche, quelque chose me dérange dans Les abords du lycée. Une affaire de sensibilité, un décalage qui ne fonctionne pas. Dommage, car Taulard compose toujours de supers chansons et l'écriture de Josselin s'affine, avec cette manière toujours singulière d'introduire un malaise au détour d'une phrase:"Tempête, qui fait tomber les arbres, qui fait tomber les gens". Dans tous les cas, Taulard semble attirer de manière exponentielle l'intérêt des gens. Tant mieux.

mardi 29 avril 2014

Alligator - Runners



Le duo lyonnais a enfin donné suite à sa démo cassette avec un premier LP. Tout n'est pas nouveauté puisque l'on retrouve en face A l'intégralité de ladite cassette. L'inédit, quant à lui, se cantonne à la face B. Si je considérais le premier effort d'Alligator comme un peu inégal, avec des titres qui pouvaient vite devenir un peu irritants (Cycles et Bloody Mouth), autant avouer tout de suite que ces cinq chansons ont toutes atteint un certain degré de délice. Elisabeth et Lisa ont transformé leur petit groupe de détente en atelier bien rodé. Les chansons sont simples mais élaborées, on pourrait imaginer qu'Alligator se pose des directives: "faire le maximum du possible, de l'envisageable, avec le minimum, nos deux instruments et nos deux voix". C'est sec, c'est squelettique, mais Alligator réussit ce tour de force d'écrire de véritables chansons pop, gracieuses et magiques qui restent gravées à partir de quelques notes de basse et une batterie décharnée. J'ai dit "simples". J'ai dit "décharnée". Disons que ce sont les moyens engagés qui le sont. Car les parties de basse et de batterie n'ont rien de convenues et on sent bien que les deux maîtrisent désormais leurs instruments et s'épanouissent dans le style que s'est forgé Alligator. Mais ce qui fait, encore ici, fonctionner cette magie par-dessus tout, c'est le chant. A l'évidence, les deux lyonnaises prêtent une attention particulière aux mélodies et à la manière dont les deux chants vont se croiser et se compléter. C'est toujours beau, et c'est souvent très prenant. Incroyablement organique et sincère, il faudra désormais beaucoup d’hypocrisie pour oser dire du mal de la musique d'Alligator.

vendredi 11 avril 2014

Gouvernail - Black Howl



Le flou règne autour de Gouvernail. Ce qu'il semble être: un projet individuel lyonnais. Pour le reste, on ne pourra s'accrocher qu'à la stricte matière sonore. Des loops de guitare et une batterie électro pour seule substance, un post-rock richement construit, tirant clairement ses racines d'un post-hardcore plus hostile mais que l'on aurait surpris un instant en pleine songerie. C'est un travail toujours un peu compliqué de s'épancher sur une musique du genre sans tourner en rond. Comment ne pas se vautrer encore et toujours sur des termes tels que "paysage" ou "onirique"? Disons que l'on connaît Gouvernail. On a déjà entendu cela quelque part. Du moins, les termes qu'il emploie font partie de notre vocabulaire depuis longtemps. Mais dans Black Howl, il y a tout de même une certaine manière de les agencer, ces termes, d'où une entité propre. Pas la peine d'aller chercher des références, ce serait à la fois juste de le faire. Et extrêmement faux. Ce premier recueil de cinq titres instrumentaux,cohérent de bout à bout, sait emprunter dans d'autres sphères, comme ces beats de Canadian Shores ou sur A New Start. Moins mélancolique. Plus "catchy". Tout cela se joue sur de fines nuances, mais tout cela fait la différence et Gouvernail opère merveilleusement bien dans ce qu'il fait. Aura-t-on la chance de le découvrir en live? A l'écoute de Black Howl, je me remémore un ancien groupe de Lyon qui partage quelque peu le même lexique. Y aurait-il un ancien membre de Солярис [Solaris] aux commandes de Gouvernail?

Nine Eleven - 24 Years




City of Quartz m'avait interpellé à sa sortie. Choisir pour titre d'album le nom de l'ouvrage de Mike Davies -sur la ségrégation spatiale et le tout-sécuritaire de la ville contemporaine à travers l'exemple de Los Angeles-, cela ne pouvait sembler que prometteur. A l'écoute pourtant, rien à en tirer pour ma part: un punk-hardcore froid et surproduit, empilant tout les codes du genre. Une machine de guerre lisse et propre semblable à toutes les autres machines de guerre de la nouvelle scène hardcore. Une abrupte dichotomie entre un discours fortement revendicatif et une modalité de fonctionnement à la conquête de la sphère spectaculturelle -grosse production, facebook et tout l'arsenal habituel- aux antipodes de leur idéologie portée en blason. En définitive, une bonne déception, immédiate. Et puis récemment, un concert me donne l'occasion de redécouvrir le groupe. Entre temps, les manceaux ont changé de chanteur et de bassiste (et de batteur?) et ont redéfinit leur spectre musical. Nine Eleven se veut plus dark et rôde d'avantage vers le post-hardcore avec des prises de vitesse à la Cursed. Et en live, une attitude totalement honnête et passionnée et un set impeccable. Nine Eleven n'en finit pas pour autant avec son goût pour les codes et les banalités, des plans un peu grossiers (la première partie de Face the Triangle par exemple, assez pompeuse, pourtant sauvée par la suite plus posée mais magnifiquement tendue). 24 Years possède en revanche de nombreux moments de pur bonheur et la production est beaucoup moins connotée et plus vivante que précédemment. Le nouveau chant est pour beaucoup dans le renouveau salutaire de Nine Eleven, moins sec, plus habité et chargé émotionnellement. Et en prime un bel objet, même si là encore pas d'étonnements sur un artwork composé de peintures de "maîtres" pour la version vinyle: un Caravage et la fameuse vanité de Philippe de Champaigne. En espérant que ce nouveau line-up se stabilise un peu et poursuive ce qu'il vient d'entamer.

mardi 11 mars 2014

Frustros - A l'attaque du rien




Il m'en aura fallu du temps pour me laisser séduire par Frustros. Il faut dire que le quatuor n'a rien de très excitant et ne cherche pas à écrire des tubes (merde, j'espère que je ne me plante pas...), même pas pour faire chanter ses potes. Avec Frustros, la vitesse de croisière est enclenchée, on ne s'arrête jamais pour prendre un petit café sur une aire de repos, mais on n’appuie pas non plus sur l'accélérateur. Le fondamental en ce qui concerne le sens de la mélodie chez Frustros, c'est la dissonance. Pour le chant, c'est un peu la même chose: "c'est bon, ça passe". Les paroles forcent et se bousculent au bout de la langue, en tentant de s'évader au moment propice. Et voilà ce qui est agréable, c'est que Frustros ne caresse personne dans le sens du poil, ne cherche ni à plaire, ni à déplaire, même pas à faire les choses bien. Pourtant, au détour d'une écoute approximative, du genre bande-sonore en sourdine pour couvrir ce silence affreux pendant la lecture d'un livre évidemment passionnant, on se surprend à siffloter un petit air ou à mâchouiller quelques mots par mimétisme. Mais peut-être est-ce seulement un effet secondaire de la répétition? Perso, le premier indice, c'était avec "et POURquoi,... juste pour être payé" sur Avant de crever suivi quelques temps après de "pourtant,... quand on se verra" sur Pas si libres suivi de... Mais c'est sûrement cela, une effet secondaire... Il y aura bien toujours quelques nerds pour dire que Frustros c'est trop cool, mais pour vraiment apprécier Frustros, il faut n'en avoir rien à cirer.

lundi 10 mars 2014

Gammy Bird - ep




Gammy Bird, c'était ma révélation il y a quelques mois, lors de leur concert à la dernière de Grrrnd Zero Gerland. Trois jeunes gens humbles et sympathiques qui délivrent un set impeccable comme si cela allait de soit: simple et magique, bien loin de l'ambiance à GZ ce soir-là... Je ne sais pas si l'on peut dire que Gammy Bird est un groupe lyonnais ou bien franco-anglais (le trio compte en effet deux anglais et une française), en tout cas c'est bien autour de la Saône et du Rhône qu'illes se retrouvent. Je suis un petit peu déçu de ce premier ep, il manque un petit quelque chose: l'enregistrement n'est pas des plus fidèles au souvenir que je me fais du groupe mais peu importe, les chansons sont enfin là. Gammy Bird, donc, c'est une espèce de pop lancinante, d'art-rock aux teintes noisy, admirablement mélodique et entraînant. Une caractéristique du trio, c'est le chant de Dean. Parfois très haut-perché ou tout à l'inverse posé dans des tonalités graves, singulier et d'autant plus car souvent doublé, c'est ce qui fait clairement la particularité du groupe. Quelques indices cependant, Basic Storms par exemple fait penser tout à la fois aux Pixies et à Pinback. Mais indéniablement, Gammy Bird possède déjà sa patte, que le trio illustre ici en cinq chansons et une vingtaine de minutes. Personnellement, je reste à l'affût d'un plus long format qui sera, j'en suis persuadé, impeccable.

mercredi 19 février 2014

Celeste - Animale(s)



Dés lors, tout apparaît si clair: Celeste commence sérieusement à me fatiguer. Celeste a trouvé son créneau depuis un bon moment déjà, et Celeste applique encore et toujours la même formule. Certain.e.s me diraient qu'il n'y a aucun problème à cela, et pourtant il y en a un, bien en évidence. Celeste a une image. Celeste a un son. Celeste a un style. Celeste a ses adeptes. Une esthétique de l'extrême. Des paroles les plus noires possibles. Celeste, c'est l'overdose. Celeste ne rime plus à rien; on peut en être persuadé maintenant: Celeste se moque de nous. Comment croire encore à ce que l'on nous raconte? Que d'aucun n'implore la catharsis. Que d'aucun n'implore la part sombre de chaque individu. De la haine? Même pas, Celeste ne provoque plus rien. Aucune urgence, aucun danger. Celeste est raffiné, avec tout ce qu'il y a de détestable dans ce terme. Celeste se joue des codes des musiques extrêmes. Une esthétisation de l'horreur. Celeste est une véritable niche commerciale. Celeste pourrait être un très bon projet d'étudiants en marketing, mais malheureusement c'est un groupe.