Le duo lyonnais a enfin
donné suite à sa démo cassette avec un premier LP. Tout n'est pas
nouveauté puisque l'on retrouve en face A l'intégralité de ladite
cassette. L'inédit, quant à lui, se cantonne à la face B. Si je
considérais le premier effort d'Alligator comme un peu inégal, avec
des titres qui pouvaient vite devenir un peu irritants (Cycles et
Bloody Mouth), autant avouer tout de suite que ces cinq chansons ont
toutes atteint un certain degré de délice. Elisabeth et Lisa ont
transformé leur petit groupe de détente en atelier bien rodé. Les
chansons sont simples mais élaborées, on pourrait imaginer
qu'Alligator se pose des directives: "faire le maximum du
possible, de l'envisageable, avec le minimum, nos deux instruments et
nos deux voix". C'est sec, c'est squelettique, mais Alligator
réussit ce tour de force d'écrire de véritables chansons pop,
gracieuses et magiques qui restent gravées à partir de quelques
notes de basse et une batterie décharnée. J'ai dit "simples".
J'ai dit "décharnée". Disons que ce sont les moyens
engagés qui le sont. Car les parties de basse et de batterie n'ont
rien de convenues et on sent bien que les deux maîtrisent désormais
leurs instruments et s'épanouissent dans le style que s'est forgé
Alligator. Mais ce qui fait, encore ici, fonctionner cette magie
par-dessus tout, c'est le chant. A l'évidence, les deux lyonnaises
prêtent une attention particulière aux mélodies et à la manière
dont les deux chants vont se croiser et se compléter. C'est toujours
beau, et c'est souvent très prenant. Incroyablement organique et
sincère, il faudra désormais beaucoup d’hypocrisie pour oser dire
du mal de la musique d'Alligator.
mardi 29 avril 2014
vendredi 11 avril 2014
Gouvernail - Black Howl
Le flou règne autour de
Gouvernail. Ce qu'il semble être: un projet individuel lyonnais.
Pour le reste, on ne pourra s'accrocher qu'à la stricte matière
sonore. Des loops de guitare et une batterie électro pour seule
substance, un post-rock richement construit, tirant clairement ses
racines d'un post-hardcore plus hostile mais que l'on aurait surpris
un instant en pleine songerie. C'est un travail toujours un peu
compliqué de s'épancher sur une musique du genre sans tourner en
rond. Comment ne pas se vautrer encore et toujours sur des termes
tels que "paysage" ou "onirique"? Disons que l'on
connaît Gouvernail. On a déjà entendu cela quelque part. Du moins,
les termes qu'il emploie font partie de notre vocabulaire depuis
longtemps. Mais dans Black Howl, il y a tout de même une certaine
manière de les agencer, ces termes, d'où une entité propre. Pas la
peine d'aller chercher des références, ce serait à la fois juste
de le faire. Et extrêmement faux. Ce premier recueil de cinq titres
instrumentaux,cohérent de bout à bout, sait emprunter dans d'autres
sphères, comme ces beats de Canadian Shores ou sur A New Start.
Moins mélancolique. Plus "catchy". Tout cela se joue sur
de fines nuances, mais tout cela fait la différence et Gouvernail
opère merveilleusement bien dans ce qu'il fait. Aura-t-on la chance
de le découvrir en live? A l'écoute de Black Howl, je me remémore
un ancien groupe de Lyon qui partage quelque peu le même lexique. Y
aurait-il un ancien membre de Солярис [Solaris] aux commandes
de Gouvernail?
Nine Eleven - 24 Years
City of Quartz m'avait
interpellé à sa sortie. Choisir pour titre d'album le nom de
l'ouvrage de Mike Davies -sur la ségrégation spatiale et le
tout-sécuritaire de la ville contemporaine à travers l'exemple de
Los Angeles-, cela ne pouvait sembler que prometteur. A l'écoute
pourtant, rien à en tirer pour ma part: un punk-hardcore froid et
surproduit, empilant tout les codes du genre. Une machine de guerre
lisse et propre semblable à toutes les autres machines de guerre de
la nouvelle scène hardcore. Une abrupte dichotomie entre un discours
fortement revendicatif et une modalité de fonctionnement à la
conquête de la sphère spectaculturelle -grosse production, facebook
et tout l'arsenal habituel- aux antipodes de leur idéologie portée
en blason. En définitive, une bonne déception, immédiate. Et puis
récemment, un concert me donne l'occasion de redécouvrir le groupe.
Entre temps, les manceaux ont changé de chanteur et de bassiste (et
de batteur?) et ont redéfinit leur spectre musical. Nine Eleven se
veut plus dark et rôde d'avantage vers le post-hardcore avec des
prises de vitesse à la Cursed. Et en live, une attitude totalement
honnête et passionnée et un set impeccable. Nine Eleven n'en finit
pas pour autant avec son goût pour les codes et les banalités, des
plans un peu grossiers (la première partie de Face the Triangle par
exemple, assez pompeuse, pourtant sauvée par la suite plus posée
mais magnifiquement tendue). 24 Years possède en revanche de
nombreux moments de pur bonheur et la production est beaucoup moins
connotée et plus vivante que précédemment. Le nouveau chant est
pour beaucoup dans le renouveau salutaire de Nine Eleven, moins sec,
plus habité et chargé émotionnellement. Et en prime un bel objet,
même si là encore pas d'étonnements sur un artwork composé de
peintures de "maîtres" pour la version vinyle: un Caravage
et la fameuse vanité de Philippe de Champaigne. En espérant que ce
nouveau line-up se stabilise un peu et poursuive ce qu'il vient
d'entamer.
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