Et cela survient finalement. Tout s'écroule. On
croyait à un moment de liesse. Comme un tour de manège. Un tour de
manège où c'est toi qui choisis quand tu veux descendre. Mais la
catastrophe a tout détruit. Rien n'a survécut. Du manège, il ne
reste qu'un amas de détritus renfrognés. Et c'est une bande de
freaks chimiquement modifiés qui repeuple ce qui était autrefois
des paysages. Esthétique des ruines. Soit. Celle-là est
particulièrement réussie. Il paraît que ça sort des ateliers de
Ursa Minor à Saint-Etienne. Ça tombe vraiment bien puisque c'est de
là que nous vient justement Pervers et truands. Un premier album
après une triplette de demos sur CD-r. Pervers & Truands sont
des gens ordinaires: c'est écrit sur ce vinyle et relevé déjà par
une autre personne qui s'essaie également à ce genre d'exercice:
aligner des mots, voir des phrases, pour parler d'un groupe de
musique, d'un groupe D.I.Y., que l'on a vu à un concert, et pour
dire un peu plus que parler simplement musique. De là à réussir
(?) Pervers & Truands sont des gens ordinaires et c'est plutôt
rassurant. Pervers et truands, c'est du sludge fait par des gens qui
ne savent jouer que du punk. Ils ont bien essayé de nous le cacher
mais certains éléments ne trompent pas. Un peu trop d'urgence ou de
hargne. Il y a deux élément notables chez P&T. Ouais! Rien que
ça! Les passages lourds. Et les passages rapides. Va pas falloir
trop chercher à intellectualiser tout ça. Des mouvements de têtes
lents et déterminés. Et des mouvements de têtes rapides et
satisfaits. Et c'est tout ce qu'on leur demande. Suffit de choisir la
bonne manière de faire ça.10 titres du même acabit. Un petit bémol
sur Spooky Song, l'interlude calme et déprimé qui sent juste la
fatigue. Bon disque.
samedi 29 novembre 2014
vendredi 4 juillet 2014
Taulard - Les abords du lycée
Taulard a
toujours dansé sur la corde raide. Un point d'absolu dans son genre,
en proie à des vents querelleurs. Jusqu'à présent, Taulard s'était
agrippé de toutes ses forces, avait résisté coûte que coûte.
Paradoxalement, les atouts du groupe ont toujours été ces petites
choses fragiles: un chant en français avec des textes doucement
naïfs et un synthé cheap et vierge de tout effet. Jusqu'à présent,
Taulard avait résisté, mais s'est fait prendre dans un moment
d'inattention et a glissé. Rien de bien grave, ni jambe cassée, ni
entorse aggravée. Seulement, ce premier album a un autre goût que
les précédents efforts des grenoblois. Le son un peu incertain de
la première cassette et du 7", tout cela faisait le charme du
groupe, qui a décidé de donner à son premier album un son digne de
ses ambitions. Résultat: Les abords du lycée est propre comme une
paillasse de TP de physique-chimie. Une propreté médicale, qui a
tout blanchit, qui a gratté la moindre aspérité. Ce n'est pas pour
faire l'éloge frontale d'une certaine pauvreté ou saleté, mais une
autre intention musicale a ici pointé son nez. La majorité des
présents morceaux existaient déjà sur le cd -celui enregistré par
Josselin lorsque Taulard n'était pas encore un véritable groupe- ou
sur la demo-tape, et ce sont ces anciennes versions vers lesquelles
je me tournerais encore à l'envie de les écouter. Dans la roche est
la plus grosse déception de cet album. Clairement, cette chanson est
un "hit": une mélodie trop classe et un thème abordé
(les abus sexuels) avec une justesse et une franchise rare, mais
-merde- que vient foutre cette basse funky, -comment dire- cocasse,
ici? Voilà, quelque chose cloche, quelque chose me dérange dans Les
abords du lycée. Une affaire de sensibilité, un décalage qui ne
fonctionne pas. Dommage, car Taulard compose toujours de supers
chansons et l'écriture de Josselin s'affine, avec cette manière
toujours singulière d'introduire un malaise au détour d'une
phrase:"Tempête, qui fait tomber les arbres, qui fait tomber
les gens". Dans tous les cas, Taulard semble attirer de manière
exponentielle l'intérêt des gens. Tant mieux.
mardi 29 avril 2014
Alligator - Runners
Le duo lyonnais a enfin
donné suite à sa démo cassette avec un premier LP. Tout n'est pas
nouveauté puisque l'on retrouve en face A l'intégralité de ladite
cassette. L'inédit, quant à lui, se cantonne à la face B. Si je
considérais le premier effort d'Alligator comme un peu inégal, avec
des titres qui pouvaient vite devenir un peu irritants (Cycles et
Bloody Mouth), autant avouer tout de suite que ces cinq chansons ont
toutes atteint un certain degré de délice. Elisabeth et Lisa ont
transformé leur petit groupe de détente en atelier bien rodé. Les
chansons sont simples mais élaborées, on pourrait imaginer
qu'Alligator se pose des directives: "faire le maximum du
possible, de l'envisageable, avec le minimum, nos deux instruments et
nos deux voix". C'est sec, c'est squelettique, mais Alligator
réussit ce tour de force d'écrire de véritables chansons pop,
gracieuses et magiques qui restent gravées à partir de quelques
notes de basse et une batterie décharnée. J'ai dit "simples".
J'ai dit "décharnée". Disons que ce sont les moyens
engagés qui le sont. Car les parties de basse et de batterie n'ont
rien de convenues et on sent bien que les deux maîtrisent désormais
leurs instruments et s'épanouissent dans le style que s'est forgé
Alligator. Mais ce qui fait, encore ici, fonctionner cette magie
par-dessus tout, c'est le chant. A l'évidence, les deux lyonnaises
prêtent une attention particulière aux mélodies et à la manière
dont les deux chants vont se croiser et se compléter. C'est toujours
beau, et c'est souvent très prenant. Incroyablement organique et
sincère, il faudra désormais beaucoup d’hypocrisie pour oser dire
du mal de la musique d'Alligator.
vendredi 11 avril 2014
Gouvernail - Black Howl
Le flou règne autour de
Gouvernail. Ce qu'il semble être: un projet individuel lyonnais.
Pour le reste, on ne pourra s'accrocher qu'à la stricte matière
sonore. Des loops de guitare et une batterie électro pour seule
substance, un post-rock richement construit, tirant clairement ses
racines d'un post-hardcore plus hostile mais que l'on aurait surpris
un instant en pleine songerie. C'est un travail toujours un peu
compliqué de s'épancher sur une musique du genre sans tourner en
rond. Comment ne pas se vautrer encore et toujours sur des termes
tels que "paysage" ou "onirique"? Disons que l'on
connaît Gouvernail. On a déjà entendu cela quelque part. Du moins,
les termes qu'il emploie font partie de notre vocabulaire depuis
longtemps. Mais dans Black Howl, il y a tout de même une certaine
manière de les agencer, ces termes, d'où une entité propre. Pas la
peine d'aller chercher des références, ce serait à la fois juste
de le faire. Et extrêmement faux. Ce premier recueil de cinq titres
instrumentaux,cohérent de bout à bout, sait emprunter dans d'autres
sphères, comme ces beats de Canadian Shores ou sur A New Start.
Moins mélancolique. Plus "catchy". Tout cela se joue sur
de fines nuances, mais tout cela fait la différence et Gouvernail
opère merveilleusement bien dans ce qu'il fait. Aura-t-on la chance
de le découvrir en live? A l'écoute de Black Howl, je me remémore
un ancien groupe de Lyon qui partage quelque peu le même lexique. Y
aurait-il un ancien membre de Солярис [Solaris] aux commandes
de Gouvernail?
Nine Eleven - 24 Years
City of Quartz m'avait
interpellé à sa sortie. Choisir pour titre d'album le nom de
l'ouvrage de Mike Davies -sur la ségrégation spatiale et le
tout-sécuritaire de la ville contemporaine à travers l'exemple de
Los Angeles-, cela ne pouvait sembler que prometteur. A l'écoute
pourtant, rien à en tirer pour ma part: un punk-hardcore froid et
surproduit, empilant tout les codes du genre. Une machine de guerre
lisse et propre semblable à toutes les autres machines de guerre de
la nouvelle scène hardcore. Une abrupte dichotomie entre un discours
fortement revendicatif et une modalité de fonctionnement à la
conquête de la sphère spectaculturelle -grosse production, facebook
et tout l'arsenal habituel- aux antipodes de leur idéologie portée
en blason. En définitive, une bonne déception, immédiate. Et puis
récemment, un concert me donne l'occasion de redécouvrir le groupe.
Entre temps, les manceaux ont changé de chanteur et de bassiste (et
de batteur?) et ont redéfinit leur spectre musical. Nine Eleven se
veut plus dark et rôde d'avantage vers le post-hardcore avec des
prises de vitesse à la Cursed. Et en live, une attitude totalement
honnête et passionnée et un set impeccable. Nine Eleven n'en finit
pas pour autant avec son goût pour les codes et les banalités, des
plans un peu grossiers (la première partie de Face the Triangle par
exemple, assez pompeuse, pourtant sauvée par la suite plus posée
mais magnifiquement tendue). 24 Years possède en revanche de
nombreux moments de pur bonheur et la production est beaucoup moins
connotée et plus vivante que précédemment. Le nouveau chant est
pour beaucoup dans le renouveau salutaire de Nine Eleven, moins sec,
plus habité et chargé émotionnellement. Et en prime un bel objet,
même si là encore pas d'étonnements sur un artwork composé de
peintures de "maîtres" pour la version vinyle: un Caravage
et la fameuse vanité de Philippe de Champaigne. En espérant que ce
nouveau line-up se stabilise un peu et poursuive ce qu'il vient
d'entamer.
mardi 11 mars 2014
Frustros - A l'attaque du rien
Il m'en aura fallu du
temps pour me laisser séduire par Frustros. Il faut dire que le
quatuor n'a rien de très excitant et ne cherche pas à écrire des
tubes (merde, j'espère que je ne me plante pas...), même pas pour
faire chanter ses potes. Avec Frustros, la vitesse de croisière est
enclenchée, on ne s'arrête jamais pour prendre un petit café sur
une aire de repos, mais on n’appuie pas non plus sur
l'accélérateur. Le fondamental en ce qui concerne le sens de la
mélodie chez Frustros, c'est la dissonance. Pour le chant, c'est un
peu la même chose: "c'est bon, ça passe". Les paroles
forcent et se bousculent au bout de la langue, en tentant de s'évader
au moment propice. Et voilà ce qui est agréable, c'est que Frustros
ne caresse personne dans le sens du poil, ne cherche ni à plaire, ni
à déplaire, même pas à faire les choses bien. Pourtant, au détour
d'une écoute approximative, du genre bande-sonore en sourdine
pour couvrir ce silence affreux pendant la lecture d'un livre
évidemment passionnant, on se surprend à siffloter un petit air
ou à mâchouiller quelques mots par mimétisme. Mais peut-être est-ce
seulement un effet secondaire de la répétition? Perso, le premier
indice, c'était avec "et POURquoi,... juste pour être payé"
sur Avant de crever suivi quelques temps après de "pourtant,...
quand on se verra" sur Pas si libres suivi de... Mais c'est
sûrement cela, une effet secondaire... Il y aura bien toujours
quelques nerds pour dire que Frustros c'est trop cool, mais pour
vraiment apprécier Frustros, il faut n'en avoir rien à cirer.
lundi 10 mars 2014
Gammy Bird - ep
Gammy Bird, c'était ma
révélation il y a quelques mois, lors de leur concert à la
dernière de Grrrnd Zero Gerland. Trois jeunes gens humbles et
sympathiques qui délivrent un set impeccable comme si cela allait de
soit: simple et magique, bien loin de l'ambiance à GZ ce soir-là...
Je ne sais pas si l'on peut dire que Gammy Bird est un groupe
lyonnais ou bien franco-anglais (le trio compte en effet deux anglais
et une française), en tout cas c'est bien autour de la Saône et du
Rhône qu'illes se retrouvent. Je suis un petit peu déçu de ce
premier ep, il manque un petit quelque chose: l'enregistrement n'est
pas des plus fidèles au souvenir que je me fais du groupe mais peu
importe, les chansons sont enfin là. Gammy Bird, donc, c'est une
espèce de pop lancinante, d'art-rock aux teintes noisy,
admirablement mélodique et entraînant. Une caractéristique du
trio, c'est le chant de Dean. Parfois très haut-perché ou tout à
l'inverse posé dans des tonalités graves, singulier et d'autant
plus car souvent doublé, c'est ce qui fait clairement la
particularité du groupe. Quelques indices cependant, Basic Storms
par exemple fait penser tout à la fois aux Pixies et à Pinback.
Mais indéniablement, Gammy Bird possède déjà sa patte, que le
trio illustre ici en cinq chansons et une vingtaine de minutes.
Personnellement, je reste à l'affût d'un plus long format qui sera,
j'en suis persuadé, impeccable.
mercredi 19 février 2014
Celeste - Animale(s)
Dés lors, tout apparaît si clair:
Celeste commence sérieusement à me fatiguer. Celeste a trouvé son
créneau depuis un bon moment déjà, et Celeste applique encore et
toujours la même formule. Certain.e.s me diraient qu'il n'y a aucun
problème à cela, et pourtant il y en a un, bien en évidence. Celeste a une image. Celeste a un son.
Celeste a un style. Celeste a ses adeptes. Une esthétique de
l'extrême. Des paroles les plus noires possibles. Celeste, c'est
l'overdose. Celeste ne rime plus à rien; on peut en être persuadé
maintenant: Celeste se moque de nous. Comment croire encore à ce que
l'on nous raconte? Que d'aucun n'implore la catharsis. Que d'aucun
n'implore la part sombre de chaque individu. De la haine? Même pas,
Celeste ne provoque plus rien. Aucune urgence, aucun danger. Celeste
est raffiné, avec tout ce qu'il y a de détestable dans ce terme.
Celeste se joue des codes des musiques extrêmes. Une esthétisation
de l'horreur. Celeste est une véritable niche commerciale. Celeste
pourrait être un très bon projet d'étudiants en marketing, mais
malheureusement c'est un groupe.
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